vendredi 23 janvier 2015

Immense...Tout ça pour quoi - Lionel Shriver

Immense : Du latin immensus, rad. metiri "mesurer"
Qui n'a ni bornes ni mesure.
Dont l'étendue, les dimensions sont considérables.
Profond.

Extraordinaire livre, universel, dérangeant et profondément humain.

Si l'histoire se déroule en Amérique avec en toile de fonds l'implacable rouleau compresseur du système qui broie les individus lorsque santé, travail, et jeunesse s'en sont allés, elle interroge si bien l'insoutenable absurdité de la condition humaine qu'on oublie vite la référence sociale pour interroger sa propre existence.

Shepp, quinquagénaire sur le point de concrétiser son échappée belle dans "l'Outre-Vie", un aller sans retour dans une île paradisiaque rendu possible par le pactole constitué par la vente de sa société huit ans plutôt, doit déchanter à l'annonce de la maladie de sa femme qui va compromettre, non seulement son projet, mais remettre en question son mode de vie et de relation avec les autres.

Autour de Shepp, merveilleux personnage central,  chacun -soeur, père, femme, enfants, collègues de travail, couple d'amis pris aussi dans la tourmente, va réagir à la situation avec ses ressources, son histoire, à la place qu'il occupe.

Sans pathos, aucun sujet de vie n'est épargné, la vie simplement frustrante et inaboutie quand tout va bien, qui devient dépouillée, précise comme une lame, précieuse quand l'essentiel s'échappe et qu'on l'identifie enfin.

Le livre traite de la maladie qui mène à la mort, de l'enfant mis au monde qui ne vivra pas plus loin que l'adolescence, du couple malmené par les années qui passent, de la solitude ,toujours, mais aussi, de l'espoir qui succède à l'épreuve et de la vie qui triomphe toujours.

Lumineuses pages finales qui lavent la tristesse, sauvent du désespoir et autorisent le lecteur à sortir de l'histoire, grandi.

Extrait :

"Il n'était probablement pas le seul à détester les hôpitaux au point d'avoir envie de fuir lorsqu'il visitait un être aimé. Ce n'était pas seulement les odeurs, ou une horreur instinctive de la maladie. Nous sommes paraît-il tous égaux devant la maladie; le problème, c'est la question de savoir si le nivellement ne se fait pas par le bas. Vêtus des mêmes blouses humiliantes qui s'ouvraient dans le dos, les patients déambulaient dans les couloirs, dépouillés de tout ce qui, au dehors, faisait leur spécificité...
...En passant devant les salles, en voyant de gros tas endormis et des regards vides rivés sur l'écran de télévision, on n'avait pas l'impression que tous étaient également importants, mais qu'ils étaient tous également insignifiants."