dimanche 8 décembre 2013

Hommage... Son visage sur mon épaule- Christèle Aubry

     Le 30 Janvier 1922, une petite fille naissait aux Essarts, terres vendéennes de bocage et d'élevage, loin des plages de sable et d'aiguillons rocheux qui ont fait depuis la renommée du département.

     Si j'évoque le littoral atlantique qui a toujours exercé sur moi un attrait puissant, c'est par tendresse pour cette petite fille dont on peut imaginer qu'elle passa la première partie de sa vie dans l'ignorance absolue du charme sauvage de cette côte pourtant toute proche. En ce début de siècle, les distances à parcourir à pied ou à vélo rendaient l'océan inaccessible et invisible aux habitants des terres.

     Cette petite fille grandit, se maria et eut quatre enfants. Elle se conforma en cela aux exigences de sont temps et de son milieu paysan qui voyait d'abord en tout être du sexe féminin une génitrice potentielle, dévouée à son foyer et consacrée à une vie de labeur pour les siens.
Mais cette petite fille ne fit pas seulement ce que le contrat social attendait tacitement d'elle...Étouffer ses envies et ses désirs, se réaliser à travers les siens.

     Cette vie multiple fut sa richesse, et eut aussi son prix, si tant est, qu'aujourd'hui comme hier, il est toujours difficile pour les femmes, voire impossible pour la plupart, de concilier être pour soi et être pour les autres.

     Je suis la deuxième des douze petits enfants de cette petite fille.
     J' appris un matin d'hiver, par un coup de fil, l'accident cérébral dont elle fut victime. Elle perdit conscience une fin de journée dans sa salle de bains, ayant juste eu le temps d'appeler sa fille aînée pour lui dire les violentes douleurs qu'elle ressentait dans la tête. Elle s'éteignit une semaine plus tard à l'hôpital, n'ayant pas refait surface de cette absence qui l'emporta à l'âge de 83 ans.

     À l'occasion du partage des biens, ma mère fut dépositaire d'un classeur vert amande contenant des écrits dactylographiés accumulés par ma grand-mère pendant les dernières années de sa vie.

     L'évocation de ce classeur fait surgir devant moi l'image de mon adolescence et d'une mamie, venant sur la pointe des pieds emprunter la machine à écrire, telle une voleuse, et disparaissant aussitôt qu'elle l'avait trouvée sur la pointe des pieds, trop pressée, je le comprends maintenant, de jeter sur le papier les pensées qui s'invitaient dans sa tête.

     A l'époque, nous, ses petits enfants, prêtions peu d'intérêt à cette activité. Jusqu'à sa mort, j'étais même convaincue qu'elle mettait essentiellement en forme les recherches généalogiques qu'elle effectuait par ailleurs et pour lesquelles nous étions, reconnaissons le, pas très bon public.

     Après que j'eu demandé à ma mère de me le confier, j'ouvris enfin un jour le classeur vert pour découvrir un volume impressionnant de feuillets fins, imprimés recto-verso, numérotés et recouverts de lignes dactylographiées couvrant la presque totalité des pages.

     J'y vis, avec un serrement de cœur,le souci d'économie d'une génération habituée à compter, à garder les bouts de fils, de rubans, de papier, à user de tout jusqu'à la corde. Même avec les mots, on ne prenait pas ses aises sur le papier. La densité de la forme se confondit bientôt avec la densité du récit.

     Je veux porter témoignage de ce qu'a écrit  ma grand-mère pendant toutes ces années. Je sais que ma grand-mère m'accompagne dans ce travail, je sens son visage sur mon épaule.

     Je voudrais tellement qu'elle soit fière de moi.

   



Magistral... Focus - Arthur Miller

Jusqu'à très récemment, Arthur Miller n'était pour moi que cet intellectuel américain, grand escogriffe à lunettes, époux distant et éphémère d'une Marylin amoureuse et délaissée.
Cette année, j'ai acheté un de ces livres, par hasard, un jour de pluie, dans la librairie de quartier où je passais après ma pause déjeuner.

Un choc.

Laurent Newman, anonyme entre les anonymes dans le Brooklyn des années 1940, n'aspire qu'à poursuivre une petite vie tranquille et disciplinée, sa seule façon d'être au monde...

Mais, dans une Amérique gangrenée par un antisémitisme larvé, où le Saint- Louis et ses centaines de passagers juifs épargnés par le bourreau nazi ne peuvent débarquer , la malédiction rôde...
Après maintes reculades car il en pressent les conséquences , il consent à s'affubler de lunettes loupes destinées à corriger une myopie invalidante.
Les traits du visage sont accentués, le nez semble un peu plus fort, le front un peu plus fuyant, Mr Newman est regardé, Mr Newman est soupçonné, ostracisé, mis à la porte de son emploi.

Au secours ! Je ne suis pas juif ! Je suis comme vous ! Je n'en suis pas ! Je ne veux pas en être !

Newman le pleutre, le monsieur qui ne veut pas d'ennuis est pris pour ce qu'il n'est pas. Il n'est pas méchant, Mr Newman, mais cette histoire, ce n'est pas possible, ça n'est pas pensable.
Nous sommes entrainés dans la spirale de son exclusion infernale et des sentiments qui accompagnent sa descente aux enfers.
Appréhension, peur, paralysie, évitement, déni, désarroi, dépression, angoisse jusqu'au dénouement final où Mr Newman trouvera la délivrance dans la confrontation avec ses préjugés et l'empathie qu'il laissera monter en lui.

Mr Finkelstein, voisin évité et admiré pour sa droiture et son intégrité, sera le miroir lui permettant de se tenir droit et de devenir un homme en affrontant par les coups, ceux qui causent son tourment.
La violence cathartique comme ultime et bienfaisante issue.
Fort, inévitable...et dérangeant.

Livre magistral qui nous renvoie à notre part d'ombre, comme l'évoque un texte d'Arthur Miller paru en 1984 dans The New York Times Book Review où il éclaire,depuis son roman, les situations d'exclusion des individus étrangers dans tout corps social constitué.
"...La vision que Focus donne de l'antisémitisme a le même caractère extrêmement social : aux yeux de l'antisémite, le Juif est le symbole même d'une propension à se tenir à l'écart doublée d'une habileté à profiter du système que les populations indigènes réprouvent et craignent.
Je n'ai pour ma part qu'une seule chose à ajouter à tout cela :  si une telle attitude perturbe ces gens, c'est qu'ils sentent la présence, tapie au fond d'eux mêmes,de quelque chose de semblable, qu'ils ont eux mêmes conscience d'un sentiment de non appartenance, d'un individualisme anti-social sans remède, en conflit avec le désir de faire partie d'un tout mystique et de le servir, de participer à la sublime essence nationale...
C'est pourquoi s'attendre à voir l'antisémitisme véritablement disparaître serait trop optimiste.

Le miroir de la réalité, celui du monde sans beauté, renvoie une image qui n'est guère rassurante;
Il faut beaucoup de force de caractère pour le regarder en face et y découvrir son propre visage"

En 2013, en ces temps de détresse économique, où les attaques se concentrent sur d'autres populations issues de l'immigration, l'histoire se répète.
A ne pas oublier et à méditer.










Mystique...Avant le matin - Jacques Chessex

Quel écrivain pouvait être assez fou pour tenter un exercice aussi périlleux qu'entraîner son lecteur sur les traces d'une nonne ayant renié ses vœux de cistercienne pour se consacrer à sa mission divine : aimer son prochain de toute son âme et... de toute sa chair ?

Qui donc avait tenté le "diable" ? Jusqu'où  ?

Avec circonspection, et, soyons honnête, une impatience non dénuée de voyeurisme, je m'attelai donc à la lecture de ce court roman de Jacques Chessex, écrivain suisse au nom ô combien prédestiné !

Le narrateur du récit, adorateur, ami, amant, dernier compagnon de route de l'Abesse Canisia, bien nommée la Sainte, se fait le passeur, dans une aura crépusculaire , de sa confession.
Canisia, que nous suivons dans ses accouplements mystiques dans les bas fonds de Fribourg, véritable cour des miracles où les indigents donnent à ses extases spirituelles l'élan pour se fondre dans le vertige du mystère divin...

C'est beau, très beau.
Personne n'est sali dans cette prose fulgurante qui dit les choses avec une telle exigence et une telle épure qu'on en sort lavé.
La notion de morale, de déviance, de bien, de maĺ est hors champ, les voyeurs en seront pour leurs frais.
Les tenants de la psychanalyse prêts à prendre le raccourci du mysticisme confinant à la folie hystérique ne s'y retrouveront pas non plus.

C'est une lecture qui s'élève au delà des repères, des préjugés, de la thématique où on voudrait l'enfermer.
Paru en 2006, ce livre préfigure les débats actuels sur l'assistance sexuelle en tant qu'activité de soin et de nécessité envers les laissés pour compte du sexe.
En cela, le livre de Jacques Chessex est éminemment moderne.

Il est aussi éminemment plus riche, car il parle d'amour ...
Il fallait bien au moins être Prix Goncourt pour réussir cela...


Extrait où l'Abesse se confie sur sa mission divine,
" Cela se passait dans la douceur. J'avais mes fidèles, mes habitués, comme les filles.
Je savais toujours où les trouver, leurs heures de beuveries, leur rôderies, les haltes où ils mourraient de désespoir d'être au monde.
Ce n'était pas eux qui me cherchaient,c'est moi qui étais en quête de leur pauvre sort.
J'avais mes recoins, mes sans abris, une fois repéré, j'attirais l'homme  et je lui donnais sa part.
Certains d'entre eux étaient trop sauvages, ou craintifs pour me suivre jusqu'à l'un de mes lits.
Je leur cédais où ils voulaient, cages d'escaliers, d'immeubles pourris, caves aux portes défoncées, même quelques églises ouvertes la nuit, ou dont ils connaissaient une entrée dérobée pour venir s'y abriter dès l'automne et en hiver.
J'avais mes pauvres, mes errants, mes sans papiers. Fribourgeois perclus d'alcool et d'années de chômage, Africains, Yougoslaves, tout ce que la société repousse à la faim et à l'égout.
J'avais aussi quelques infirmes, avec eux, j'étais plus près de Dieu.
Tu te souviens du cantique du Titanic ?
Tu vas rire si je te dis que je le chantais dans ma tête, chaque fois qu'un bossu, un unijambiste, un pied-bot se roulait sur moi où  m'écrasait de bonheur.
Ou que j'écartais les jambes d'un jeune homme qui venait me voir certaines nuits derrière la Cathédrale  dans sa chaise roulante, je m'agenouillais, je le prenais dans ma bouche et je l'entendais gémir sur l'air et les mots du cantique, Plus près de Toi mon Dieu, plus près de Toi...
Ensuite je remerciais Dieu de m'avoir permis de faire le bien et d'aimer mon prochain comme moi- même".












lundi 11 novembre 2013

Épopée...Mille femmes blanches - Jim Fergus

Que reste t-il d'un livre lu il y a 12 ans ?
Pourquoi ce titre reste t-il vivant dans ma mémoire, seul, parmi les dizaines qui se sont succédés au long des nuits sans sommeil qui ont précédé la délivrance ... ma fille Daphné naissait quelques jours après.
Quel est ce sentiment que la seule évocation de ce titre fait remonter à la surface, celui d'un accomplissement rare, d'une alchimie unique et mystérieuse entre un livre et son lecteur.
Avais-je tant besoin d'air, de légèreté, de grand vent, confinée dans la claustration de ma chambre?
Mille femmes blanches... Pourquoi cette histoire me parlait - elle autant?

Cette épopée vertigineuse dans le Far West, en cette fin du 19ème siècle, était pourtant loin d'avoir fait l'objet d'un choix rigoureux.
Elle était plus sûrement venue grossir par hasard la pile de romans à mon chevet, soigneusement reconstituée tous les samedis après avoir été dévorée la semaine précédente, tel un phénix renaissant de ses cendres.

Mille femmes blanches, une petite histoire dans la grande, celle de ces femmes blanches condamnées par la société de leur époque parce que , libres, filles mères amoureuses, petites voleuses, qui préférèrent à l'enfermement auquel elles étaient promises, l'impossible marché qu'on leur avait mis entre les mains.
Convoyées tel du bétail vers les contrées indiennes reculées, la mission, pour les survivantes, est de pacifier les régions en guerre en honorant le contrat passé entre le chef Cheyenne Little Wolf et le président des États Unis d'Amérique, Ulysses Grant : mille femmes blanches contre mille chevaux, mille femmes blanches qui en portant dans leurs entrailles les enfants Cheyenne, favoriseront l'assimilation de la nation indienne.
L'utopie ne durera que le temps d'un discours.
Abandonnées à leur sort, les mille femmes blanches connaîtront la désintégration inéluctable du peuple qui les a accueilli, chacune ayant connu avant la fin tragique, une destinée singulière, faite des mille choses de la vie, et donc aussi des bonnes, l'estime, le respect, peut-être l'amour qui sauve tout, et la vie ... plus libre qu'aucune d'entre elle n'aurait pu l'espérer...

Extrait du prologue :
" Les hommes du président apaisèrent leur mauvaise conscience en stipulant que les femmes associées à l'audacieux projet seraient toutes volontaires- mais en quelque sorte vendues par correspondance- et d'autant plus légitimes , morales, qu'elles bénéficieraient de la tutelle de l'église. Le point de vue officiel était que, si des aventurières dévouées et généreuses décidaient de leur plein gré de partir vivre à l'ouest, et que leur arrivée chez les indiens se traduisait par une réduction des belligérances, alors tout le monde serait content; c'était en d'autres termes un parfait exemple de politique jeffersionienne, alliant le principe d'initiative personnelle à la philanthropie.
Le projet "Femmes blanches pour les Indiens" avait son talon d'Achille et l'administration le savait: elle anticipa donc l'éventuelle pénurie de volontaires en allant recruter des femmes dans les prisons et les pénitenciers, auprès des insolvables et dans les asiles de fous.
On leur offrit l'absolution ou la liberté sans condition, sous réserve, bien sûr, de s'enrôler. Le gouvernement avait fini par comprendre au contact des indigènes, qu'il s'agissait de gens terre-à-terre pour lesquels les traités devaient être respectés à la lettre. Si les Cheyennes avaient demandé mille épouses, ils s'attendaient à en recevoir exactement ce nombre - et offriraient en échange mille chevaux, ni plus, ni moins, pour remplir leur part du contrat. Aussi infime fût-il, tout manquement serait susceptible de les renvoyer dare-dare sur le sentier de la guerre. L'administration s'assura donc que cela n'aurait pas lieu-même s'il fallait libérer pour faire le compte quelques criminelles de droit commun ou d'inoffensives arriérées mentales.
Le premier train de femmes blanches en partance pour les grandes plaines du nord, et une vie maritale nouvelle dans la nation Cheyenne, quitta Washington à l'automne suivant, en pleine nuit et dans le secret le plus absolu. C'était au début du mois de mars 1875 - soit un peu plus de six mois après que Little Wolf eut officiellement présenté son étrange requête au président Grant. Les      
semaines suivantes, des convois semblables quittèrent les gares de New-York, Boston, Philadelphie et
Chicago.
Le 23 Mars 1875, une jeune femme répondant au nom de May Dodd fêtait son vingt-cinquième anniversaire. Ancienne patiente de l'asile d'aliénés privé de Lake Forest, situé à cinquante kilomètres au nord de Chicago, elle prit place avec quarante-sept autres volontaires et recrues de la région dans un train de l'Union Pacific à Union Station - à destination de Camp Robinson dans le territoire du
Nebraska...










Chasse, pêche et tradition...Collage - Christèle Aubry


mercredi 30 octobre 2013

Boisé... La délégation norvégienne - Hugo Boris

Acte 1
Ce qui a été rédige aux deux tiers du livre...

Un titre aguicheur comme un avis de commission européenne, une première de couverture illustrée d'un dessin triste aux couleurs sales, une thématique chasseresse étroite et désuète...la fuite s'imposait.

Et pourtant , tel un chien de sang, suivant mon instinct de lectrice aguerrie, j'ai flairé la piste prometteuse de ce petit roman malicieux... Une bonne prise, assurément.

Si on ajoute que la traque du gibier me fait horreur, que j'ai cependant beaucoup pratiqué, enfant, la pêche à la ligne avec mon père où j'ai appris à observer et à aimer la nature, ceci expliquant peut être cela, cette fascination répulsion pour ce récit qui est aussi un hommage à l'impétueuse beauté de cette forêt dont j'ignorais tout.

Le pitch : Un huis clos entre chasseurs dans un gîte au fin fond d'une sombre forêt norvégienne engourdie peu à peu dans le glacial hiver boréal...

Puissante écriture rythmée, émaillée de références cynégétiques qui, loin d'agacer, contribuent à installer un décor hitchcockien. Entre repère de chasse plus pittoresque que nature et forêt noire immobile et inquiétante, les personnages contrastés, hauts en couleur se jaugent, s'affrontent et se débattent au fil d'une intrigue prometteuse.

Acte 2
Sur le tiers restant ...

Las ...le doute s'insinue. la catharsis tarde, les errances dans la forêt se prolongent, nos héros tournent en rond comme le récit.
A cours et pressé d'en finir, notre auteur précipite la chute dans un final fantastique et onirique aussi radical qu'incongru.

Dommage, on était chauffé à blanc, on est déçu.

Acte 3
Il sera beaucoup pardonné à Hugo Boris. Écrit à l'âge de 28 ans, ce livre a les défauts de sa jeunesse, brillant, un peu faible sur le fond. Il nous confirme que le génie étant rare, la maturité d'un écrivain s'acquiert à l'exercice, toujours ...

Extrait :

Il lâche le contenu de sa poche-carnier sur la table. Le sac s'y écrase avec un bruit mou. Elle sursaute à la vue des abats qui ont rougi les plis du plastique, sanguinolent comme du papier de boucher.
Elle fait la grimace, repousse le sac. Il rit bêtement, s'empare des bas morceaux, les verse sur une planche de bois et entreprend de les découper en gros dés. Deux chiens lui font les yeux doux. Il leur jette des carrés de viande, qu'ils gobent d'un mouvement sec. Dans la souillards, il trouve un bidon d'huile, des sacs renforcés de farine et de sucre.
Il verse sur le métal brûlant une rasade d'huile épaisse, qui est immédiatement liquéfiée par la chaleur, jette une poignée de viande, qui se met à crépiter dans un nuage de fumée.








dimanche 29 septembre 2013

Gorille, mon Ami ... 2065 - Le Retour

Qui a lu 2065 ?
Personne !
Excepté mon oncle du Québec, merci Jean-Maurice, welcome les Canadiens et les States.

Dans ma précipitation à mettre ce petit roman en ligne, soutenue par une absence congénitale de motivation pour le bidouillage webmastérien, le vers était dans le fruit, le désastre annoncé !
Cette enfilade interminable de pages à la mise en forme indigente donne, à l'individu normalement  constitué que vous êtes, l'envie de tout, sauf de s'y plonger!

Bref, l'article vient d'être retiré du blog -2065 est mort, vive 2065!

Je vais tenter de vous le faire partager, en douceur, sous une autre forme, à dose homéopathique ... Comme on ressort un vieux livre  familier qui vous a tenu chaud et dont certains passages font encore  écho à votre sensibilité.

Le pitch :
Un moment du récit est prétexte à évoquer, en 2065, la mort du dernier des géants magnifiques, les grands singes d'Afrique de l'Ouest.


Malgré mes 48 ans, je peux rester des heures comme une enfant, devant les vitres des zoos où je ne devrais pas aller, où je vais quand même.
Fascinée  par la présence grave et silencieuse des prisonniers, remuée au plus profond.
D'autres aussi ressentent la même irrésistible attraction. Le silence se fait devant les enclos où les regards humains et les regards simiesques se fichent les uns dans les autres, où les mains se rejoignent parfois contre la vitre, où la buée les rend bientôt invisible l'un pour l'autre.

Pour certains, ces comportements relèveront d'un anthropomorphisme déplacé d'occidentale, d'une sensiblerie de bas étage.
D'autres comprendront cela, ce sentiment d'étrangeté et de proximité à la fois, ce serrement de cœur...

Cet extrait est pour eux,

"La porte du bâtiment principal était gardée par un vieux monsieur au regard délavé assis dans un fauteuil. Diane et Niels s'avancèrent et se laissèrent guider dans la file de visiteurs autorisés à contempler la dépouille du grand singe...

Au milieu d'une pièce encombrée dont on avait camouflé hâtivement le désordre, un gorille immense reposait sur un drap de velours rouge tendu.

Sa fourrure avait été soigneusement lustrée et brillait sous l'éclairage tamisé. Sa tête énorme, noire et ridée, basculait lourdement sur sa poitrine. Ses pattes étaient raidies comme celles des animaux blessés, seules les mains prolongées de doigts épais et les narines encore humides semblaient prêtes à s'animer.
La mort s'était faufilée sous le masque du sommeil.
Il paraissait serein, loin de toute agitation, déjà ailleurs. Le dernier de son espèce avait rejoint la cohorte immense de tous ceux qui l'avaient précédé depuis la nuit des temps.

L'homme et le singe s'étaient séparés pour toujours et pourtant, c'était comme si le vaincu montrait à son aîné, dans un ultime sacrifice, le chemin à suivre.
C'était le dernier.
Il allait devenir pour des milliers d'enfants une image que l'on regarderait souvent au début, puis que l'on oublierait."


mardi 24 septembre 2013

Le Monde des Origines ou l'Origine du Monde

Collage réalisé par Christèle Aubry

Le Monde des Origines ou l'Origine du Monde ?



vendredi 20 septembre 2013

Crispant...Les Lisières - Olivier Adam

Lettre ouverte à Olivier Adam,

Olivier Adam, vous êtes un grand écrivain. On n'obtient pas impunément le prix Goncourt de la nouvelle, le prix France télévision, et le prix RTL...
Je n'ai pas lu vos précédents livres mais j'ai acheté le dernier, "Les lisières", qui fit l'objet d'une critique dithyrambique dans le Monde...

D'emblée, j'ai été séduite par votre style brillant, précis et percutant.
Au bout de quelques chapitres, le charme s'est évaporé et l'agacement a commencé à poindre. J'ai néanmoins lu votre récit jusqu'au bout ... avec tout le respect que je vous dois, j'ai bu la coupe jusqu'à la lie...

Parce que tout ce que vous décrivez jusqu'à la nausée, vous abritant derrière votre hypersensibilité, votre hyperémotivité, votre hypertout  d'écrivain est crispant.
Vos états d'âme ... on est beaucoup à les connaître Monsieur Adam.

La névrose familiale, les affres de l'adolescence, le parachutage dans des villes ou des pays où l'on n'a plus ses repères, la difficulté à communiquer et à aimer, c'est le lot de chacun d'entre nous et c'est l'essence même de la condition humaine...

Vous êtes un écrivain reconnu, vous avez de l'argent, une femmes qui vous aime, des enfants magnifiques en bonne santé, vous vivez au bord de l'océan, vous pouvez voyager où bon vous semble...
Alors de grâce, laissez tomber l'autofiction égotiste et mortifère qui ne grandit ni son auteur, ni ses lecteurs, laissez la aux médiocres !

Olivier, transcendez tout cela, écrivez nous une belle et puissante histoire où vous laisserez vibrer vos tripes mais où vous saurez aussi nous emporter sur d'autres chemins que votre égo...

C'est sûr alors, je vous lirai à nouveau.

Bien sincèrement.

Christèle AUBRY

mercredi 18 septembre 2013

Un peu d'histoire..."Le testament d'Olympe" de Chantal THOMAS

Le pitch : Splendeur et misère d'une courtisane sous le règne de Louis XV (emprunt à Honoré de Balzac qui en d'autres temps, a si bien écrit sur le sujet ...)

1750
Ursule, jeune-fille sans avenir issue de la petite bourgeoisie désargentée de Bordeaux, fuit sa famille pour conquérir la capitale.
Au travers des carnets qu'elle a laissés et des souvenirs de sa sœur Apolline, nous suivons les pas et les ébats de la belle et rebelle Ursule, rebaptisée Olympe, jusqu'à la cour de Versailles.
L'ascension d'Olympe sera fulgurante. Pourquoi ? Parce qu'elle n'aime personne.
Sa chute sera impitoyable pour la même raison. Sans attache, elle finira seule.

De puissants en puissants, parvenue jusqu'au roi, elle triomphe. Reléguée dans le Parc au cerf, gynécée réservé de sa majesté Louis XV où de jeunes tendrons attendent le bon vouloir du souverain priapique, la belle Olympe se laisse attendrir, baisse la garde et se grise.
Elle n'a rien compris à l'affaire.
Elle se méprend.
Le délire érotomaniaque qui peu à peu la saisit annonce la folie et sa perte.

"L'engrossement" tant espéré n'apportera ni l'apaisement, ni la légitimation attendue.
Le bon roi cruel, contenté et bientôt ennuyé, la délaissera pour d'autres plaisirs...

Un magnifique roman historique, une écriture sensible et racée pour une petite histoire dans la grande...

Extrait : ...mon sauveteur d'un soir m'avait oubliée. Moi pas. Il était le bout de corde qui, si j'arrivais à m'y accrocher, me tirerait du marais. J'avais subodoré, à sa rapidité à déguerpir, que l'odeur de merde n'était pas son chez lui. J'avais eu aussi l'intuition qu'il n'était qu'un maillon dans la chaîne des importants. Pas loin du sommet peut-être, mais pas tout en haut...












dimanche 15 septembre 2013

Un livre magnifique "Ceux qui nous sauvent" de Jenna BLUM

Le pitch : Trudy Swenson, universitaire américaine coupée de ses racines, découvre la vérité sur la vie de sa mère Anna, dans l'Allemagne nazie de Weimar, en 1940, et le terrible pourquoi du mutisme de toute une vie.

En dire plus sur l'intrigue de ce livre serait inutile, dérisoire tant il est fort et douloureux.

" Ceux qui nous sauvent", un titre évocateur de naufrage, de rédemption et de dette à venir...
Le livre va plus loin. Puissant dans les chapitres évoquant la vie d'Anna, il nous jette à la figure l'absurdité de notre condition humaine quand justement, plus rien de ce qui nous entoure n'est humain.
Comme Anna, j'aurais été silencieuse, lâche, prête à tout à la simple pensée d'une brute épaisse touchant un cheveu de mon enfant.
Aurais-je aussi eu mon moment de courage quand la générosité et la force d'une autre m'auraient entraînée à relever la tête et à avoir moins peur ?

La face sombre de ce roman ne doit pas occulter sa principale qualité, à mes yeux. Celle de dépasser le manichéisme si tentant dans l'approche de cette époque : la narration nous permet d'adopter le point de vue de ces femmes allemandes, sous le joug d'une dictature qui les dépasse, broyées mais dignes.
En tout cas, très éloignées du cliché attendu de la teutonne blonde, musculeuse et triomphante, tendant sa joue rose et rebondie vers son führer.

Un extrait de cet extraordinaire livre, bouleversant.

" De toutes les horreurs que l' Obersturmfuhrer lui a fait subir, c'est la pire et la plus injuste : il l'a privée de sa capacité à aimer. Tout le monde nait avec ce don. Anna sait qu'elle même le possédait autrefois. Mais à cause de l' Oberstumfuhrer, son cœur n'est plus aujourd'hui qu'un muscle malade et flasque, et il ne lui reste plus que ce lien avec cet homme, parfois intense, parfois non, qu'elle traîne comme une seconde peau.
Ce n'est pas juste qu'il l'ait affectée ainsi, qu'à cause de lui, elle ne puisse aimer sincèrement son époux.
Ce n'est pas juste que son cœur noir soit sous le joug de cet homme pour l'éternité.
Ce n'est pas juste et c'est impardonnable.
Et Anna n'en parlera plus jamais. À personne. Jamais".





vendredi 13 septembre 2013

Prix Goncourt des lycéens : La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert

Un lycéen qui lit, deux lycéens qui lisent, trois lycéens qui lisent ...La vérité sur l'affaire Harry Quebert ... des lycéens fascinés par ce Formidable, cet écrivain adoubé par ceux qui ne lui sont rien, empêché par l'imposture fondatrice réelle ou fantasmée ....

Lycéenne, j'aurais adoré ce livre, je l'aurais dévoré. A l'automne de ma vie, les deux cent premières pages m'ont charmée, je le finirai doucement, sans urgence, en puisant soir après soir dans les minutes que le tourbillon du jour veut bien me laisser...

Harry, c'est un livre sur l'écriture, les lycéens ont de jolis rêves, moi aussi j'ai rêvé.

Et puis un jour, très longtemps après avoir été lycéenne.... un peu plus de deux ou trois pensées sur le papier, un petit roman sans prétention mais qui était le mien.

Je pourrais coller au marketing du cynisme ambiant, plumitive auto proclamée qui sait se moquer d'elle même parce que l'auto dérision....

Et non. Un premier roman, ce n'est pas forcément abouti mais c'est beaucoup de soi, c'est beaucoup de bonheur d'avoir été au bout et ce n'est pas rien.

Aucun effort de création n'est rien.

Je vous propose 2065 à lire. J'avais fait une petite édition à compte d'auteur pour mes proches et j'ai aujourd'hui envie de le partager. Qu'est ce qui peut m'arriver ? Que vous lisiez et que vous échangiez... bienvenus....
Que les premières lignes vous  déplaisent ... vous m'aurez gratifiée de votre interêt et pour cela,soyez remerciés.

À vos tablettes et à bientôt !

Encore un mot, je dédie cette page à mon père adoré qui fut mon premier lecteur et qui me manque tellement.