dimanche 15 septembre 2013

Un livre magnifique "Ceux qui nous sauvent" de Jenna BLUM

Le pitch : Trudy Swenson, universitaire américaine coupée de ses racines, découvre la vérité sur la vie de sa mère Anna, dans l'Allemagne nazie de Weimar, en 1940, et le terrible pourquoi du mutisme de toute une vie.

En dire plus sur l'intrigue de ce livre serait inutile, dérisoire tant il est fort et douloureux.

" Ceux qui nous sauvent", un titre évocateur de naufrage, de rédemption et de dette à venir...
Le livre va plus loin. Puissant dans les chapitres évoquant la vie d'Anna, il nous jette à la figure l'absurdité de notre condition humaine quand justement, plus rien de ce qui nous entoure n'est humain.
Comme Anna, j'aurais été silencieuse, lâche, prête à tout à la simple pensée d'une brute épaisse touchant un cheveu de mon enfant.
Aurais-je aussi eu mon moment de courage quand la générosité et la force d'une autre m'auraient entraînée à relever la tête et à avoir moins peur ?

La face sombre de ce roman ne doit pas occulter sa principale qualité, à mes yeux. Celle de dépasser le manichéisme si tentant dans l'approche de cette époque : la narration nous permet d'adopter le point de vue de ces femmes allemandes, sous le joug d'une dictature qui les dépasse, broyées mais dignes.
En tout cas, très éloignées du cliché attendu de la teutonne blonde, musculeuse et triomphante, tendant sa joue rose et rebondie vers son führer.

Un extrait de cet extraordinaire livre, bouleversant.

" De toutes les horreurs que l' Obersturmfuhrer lui a fait subir, c'est la pire et la plus injuste : il l'a privée de sa capacité à aimer. Tout le monde nait avec ce don. Anna sait qu'elle même le possédait autrefois. Mais à cause de l' Oberstumfuhrer, son cœur n'est plus aujourd'hui qu'un muscle malade et flasque, et il ne lui reste plus que ce lien avec cet homme, parfois intense, parfois non, qu'elle traîne comme une seconde peau.
Ce n'est pas juste qu'il l'ait affectée ainsi, qu'à cause de lui, elle ne puisse aimer sincèrement son époux.
Ce n'est pas juste que son cœur noir soit sous le joug de cet homme pour l'éternité.
Ce n'est pas juste et c'est impardonnable.
Et Anna n'en parlera plus jamais. À personne. Jamais".